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Souvenirs d'enfance

La Confiture aux Framboises





Pas loin des rives du Lac Supérieur se trouvent des collines parsemées de grands sapins et de petites fleurs robustes, acclimatées à ce paysage brutal qui connaît trop bien la neige et la glace. C'était le vent du nord qui a emmené les épervières orangées du Quebec, ainsi que mes grands-parents?




Peu importe, tous les deux sont arrivés ici, sur un terrain tranquille. Et c’est ici que mon papa a grandi, dans une maison modeste, où chaque morceau de bois a été cloué par son père.






Le jardin était vaste et sauvage, avec des visites imprévues des porc-épic, des cerfs et même des ours noirs. Maintenant c’était à ma soeur aînée et moi d’explorer cet espace magique qui ne ressemblait pas du tout à notre jardin bien taillé des banlieues. Chaque été mes parents partaient en vacances avec des amis, en nous déposant chez nos grands-parents pour des aventures à la campagne.


Mon grand-père





Frank a grandi au Québéc et il avait un accent particulier. De temps en temps il utilisait un mot français, et nous trouvions ça totalement normal. Il pouvait construire n’importe quoi, et il aimait nous faire plaisir. Il avait construit un bac à sable près de la maison, et puis une balançoire derrière le garage, au bord de la forêt. Ma soeur et moi aimions tant nous balancer, mais chaque fois que nous entendions le moindre bruit - les feuilles chatoyantes - il fallait nous assurer que ce ne soit pas un ours noir. Un jour c’était bien un animal qui sortait de la forêt, mais plutôt doré et sur 4 pattes. Un cerf? Nous n’étions pas sûres, mais nous nous sommes sauvées. Cette bête était plus vite que moi, une petite fille de 5 ans, et elle m’a attrapée devant la porte de la maison. Ma grand-mère est arrivée en entendant mes cris. Elle m’a calmée en saluant la grande chienne des voisins, qui était nez à nez avec moi. Susu était une grande Danoise, toute douce, et elle est devenue une amie après quelques rencontres.



Le lendemain ma soeur et moi avions toujours peur d’approcher la forêt et nous avons pris notre refuge dans le camping car. Il était très petit et donc l’endroit préféré pour jouer. La grande imagination d’une jeune fille peut créer un monde merveilleux dans un tout petit espace. L’heure du déjeuner est venu trop vite, comme c’est souvent le cas pour les enfants. Nous avons fermé la porte de notre maison secrète et nous sommes entrées dans la maison des grands. Après avoir mangé, nous avions hâte de recommencer notre jeu. Mais la porte du camping car était fermée à clé. Et les clés se trouvaient à l’intérieur. Si mon grand-père se fâchait, il ne le montrait pas. Il a essayé plusieurs méthodes pour entrer, sans succès. Il y avait un coffre dans le camping car où se trouvait la toilette qu’on sortait quand on faisait du camping. Si on enlevait la toilette, il restait un trou, très étroit, par où on pouvait entrer dans le camping car. C'était moi la plus petite et la seule personne qui pouvait passer par ce trou. J’avais peur. Trop peur. Je ne pouvais pas le faire. Mon grand-père avait confiance en moi et il m’a parlé doucement pour me convaincre que j'étais bien capable. Enfin, j’ai accepté et bientôt j’ai ouvert la porte du camping car, et j’ai rendu les clés à mon grand-père.


Vers la fin de notre séjour, notre grand-père est sorti de son atelier au sous-sol avec un drôle d’objet. Notre première planche à roulette était faite maison. Un bon cadeau à apporter chez nous, ainsi que les souvenirs d’une semaine enchantée.


Ma grand-mère



Pour Genevieve, la nature apportait beaucoup de bonheur. Elle avait son potager et elle aimait ses légumes autant que les animaux. (Elle disait toujours que le secret d’une longue vie était d’aimer les légumes). Elle préférait une vie simple et honnête, et ma soeur et moi étions le centre de son univers. Elle jouait avec nous, elle inventait des excursions, et elle cuisinait pour nous. Elle avait une tendresse sans égal, mais nous l’appelions “vieille coquine” quand même!


Les voisines habitaient assez loin, mais nous faisions des visites à pied, car c’était bien de se promener dans la nature. Il y avait Mme Archambault, ancienne directrice du magazine “Maison et Jardin”, qui avait toujours des biscuits à nous offrir. Et puis il y avait Madame Olson qui avait un petit fils avec qui nous jouions de temps en temps. Notre grand-mère nous amenait avec elle, toujours fière de sa famille.


Chaque matin nous nous levions pour voir la vieille coquine dans la cuisine, avec un grand sourire, et nous avions hâte de découvrir l’aventure du jour. Genevieve portait toujours une robe, donc impossible de deviner si ce serait une visite ou baseball dans le champ. Un jour elle a mis ses bottines et pris un seau - nous allions ramasser des framboises sauvages.




Le soleil brillait et il y avait une brise légère, pas trop frais. Le mois de juillet est presque parfait a Duluth, ville où l'été est court, mais splendide. Ma soeur et moi essayions de suivre notre grand-mere, mais les buissons et les herbes montaient jusqu'à mes genoux et quelquefois plus haut. La plus petite, j’étais aussi la plus lente, et je me trouvais toute seule. Ma détresse fut immédiate et intense quand je me suis rendue compte d'être entourée de framboisiers couverts d’épines! Ils allaient jusqu'à mes épaules, et j’ai éclaté en sanglots. Ma grand-mère était assez loin, mais sa douce voix m’a soulagée pendant qu’elle venait vers moi. “Mais regarde les framboises que tu as trouvées” elle dit. C'était vrai - les buissons qui avaient l’air très méchants avec leurs épines offraient aussi une abondance de beaux fruits juteux. J’ai essuyé mes larmes et j’ai commencé à ramasser les framboises. Nous en avons mangé beaucoup aussi, car les meilleurs fruits sont ceux qu’on mange tout de suite dans la nature. Avec les mains et les bouches un peu plus rouges qu’avant, nous nous sommes entrées à la petite maison blanche. Genevieve a commencé à faire de la confiture aux framboises, et ma soeur et moi ont repris les balançoires.


Dans cette époque de repas surgelés, la vieille coquine préférait la bonne nourriture saine. Pour elle, les recettes avaient trop de sucre et de beurre. Ma soeur et moi goûtions tout avec caution, sauf ce qu’elle faisait avec des fruits. Sa confiture était un vrai trésor à savourer. Elle a mis en conserve des pêches et des framboises, et c’était un grand bonheur de descendre au sous-sol pour choisir une boite de conserves faite maison. Elle faisait des tartes aux bleuets aussi, et je regrette de ne pas avoir appris comment elle faisait sa croûte a tarte.




Ces glorieuses semaines d'été font parties de mes bons souvenirs d’enfance. Mes grands-parents nous ont gâtées avec leur attention, et nous avons appris des valeurs en observant leur façon de vivre. C’est grâce à eux que je suis française, québécoise, et que j’ai cet héritage qui m’est très cher. Mon grand-père est mort pendant ma première année à l’université, mais ma grand-mère est restée dans la petite maison qu’ils avaient construite ensemble jusqu'à l'âge de 90 ans. Elle a continué à faire ses confitures aux framboises très longtemps, et c’était toujours un cadeau bien-aimé. Imaginez ma surprise quand j’ai trouvé, dans notre jardin à Lakeville, des framboises sauvages qui poussaient partout.








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